Passages de Paris

  Revue Scientifique de l'Association des Chercheurs et Etudiants Brésiliens en France

Numéro 6—2011
ISSN 1773-0341


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PRÉSENTATION

 

-          Escuta, compadre

-          O que se vê não é navio. É a Cobra Grande

-          Mas o casco de prata ? As velas embojadas de vento ?

-          Aquilo é a Cobra Grande

Quando  começa a lua cheia ela aparece

Vem buscar moça que ainda não conheceu homem

 

A visagem vai-se sumindo

Pras bandas de Macapá

 

 (Raul Bopp, Cobra Norato XXIX)

 

Tache verte sur la carte de l’Amérique du Sud, « poumon de la terre », « trésor  de l’humanité », « la plus grande pharmacie de la planète », l’Amazonie ne cesse d’attirer l’attention, l’intérêt, la convoitise du monde entier et d’en aiguiser l’imagination.

 

En effet, cette région constitue aujourd’hui un terrain de luttes, où se confrontent concepts et intérêts concernant l’État brésilien, les différentes ethnies indigènes, les peuples de la forêt, la population et les classes productives de la région,  autochtones et immigrés du monde entier, savants et entreprises internationaux.

 

En plus de ses richesses et conflits, des mystères se mélangent à ses traditions, où Histoire et récits de conquêtes s’entrecroisent : l’Amazonie sauvage dans laquelle on se perd, on se retrouve, où l’on se perd pour mieux se retrouver; l’Amazonie des mythes à découvrir et décrypter, celle des langues et des légendes à recueillir; l’Amazonie à conquérir, à dompter,  à  civiliser ou, au contraire, à préserver, à protéger du capitalisme  et de la cupidité des hommes; l’Amazonie frontalière, à défendre des étrangers.

 

Faisant écho à l’une des préoccupations de ce nouveau millénaire, le Dossier de ce numéro de Passages de Paris, organisé par Rodolpho Zahluth Bastos, concerne l’Amazonie et ses enjeux.

 

Les trois premiers des six travaux qui le composent, portent directement sur les aspects juridiques de l’exploitation des richesses amazoniennes. Tout d’abord, les études de Rodolpho Zahluth Bastos et d’Ana Rachel Teixeira-Mazaudoux discutent des conditions d’accès aux ressources génétiques et des mécanismes de partage des avantages qui en sont issus. Celui de Teixeira-Mazaudoux porte sur la question de l’adéquation et de l’applicabilité des droits de la propriété intellectuelle en tant que régime de protection des savoirs traditionnels associés aux ressources génétiques.

 

Le droit des indiens de la Raposa-Serra do Sol à la propriété même du territoire est au cœur du texte rédigé par Vincenzo M. Lauriola en faveur des politiques publiques permetant la sustentabilité des terres, tout en veillant à la qualité de l’environnement.

 

Serait-il possible de transformer la richesse potentielle de l’Amazonie en une activité économique, capable de générer emplois et profits, tout en réduisant le bio piratage? Alfredo Kingo Oyama Homma pense qu’une réelle mise à profit de ces ressources  dépend d’une série de mesures concrètes concernant la science et la technologie, la politique sociale et financière, l’association entre l’État et les secteurs productifs privés, nationaux et internationaux. 

 

S’écartant des abords juridiques et politiques, le texte de Kátia de Lima Nechet et Bernardo de Almeida Halfeld-Vieira traite du problème spécifique aux petits producteurs de bananes de l’État de Roraima, à savoir, la dissémination dans leurs cultures de la maladie appelée « Sigatoka Negra ».

 

Parce que l’Amazonie est aussi un terrain fertile pour l’imagination, ce dossier doit se clore par la littérature. Ainsi, José Arthur Bogéa étudie le poème de Henrique João Wilkens, « Muhuraida » qui ayant trait à la conquête des indiens Mura, donne naissance, au XVIII siècle, à la littérature en langue portugaise dans la région. Et par l’intermédiaire de l’extrait d’un essai de Neuza Machado, nous avons vue sur le magnifique roman de Rogel Samuel, O Amante das Amazonas qui traverse le XXème siècle tout en évoquant l’apogée du cycle du caoutchouc dans la seconde moitié du XIXème.

 

Nous tenons à remercier Helena Hirata qui nous a accordé un  Entretien. En plus du récit de sa traversée par trois continents, elle nous fait part de sa conviction de qu’il faut re conceptualiser les classes sociales en y introduisant la question de la sexuation.

 

La Varia de ce numéro se compose de quinze articles. Les deux premiers  s’intéressent aux relations entre le Brésil et les Etats Unis: Eva P. Bueno tout en analysant non seulement des textes littéraires et des récits de voyage mais aussi des formulaires de l’immigration américaine, discute la constitution de l’identité nationale de Brésiliens confrontés au regard américain ; Mark A. Lokensgard analyse les facteurs déterminants des études brésiliennes aux États-Unis, mettant en relief l’importance des associations universitaires dont la  Brasilian Studies Association (BRASA).

 

Les sept articles suivants ont trait aux arts et à la philosophie.

 

Tout d’abord Carlos Maciel, partant de l’examen de la littérature brésilienne à partir de la base Portex, se propose d’examiner le poids de la notion d’Amérique Latine dans la construction de l’identité nationale brésilienne. Suivant l’analyse de Manoel Bomfim, il conclut que, pour les Brésiliens, l’appartenance à ce qu’on pourrait appeler l’Amérique Latine est encore à construire.

 

En un clin d’œil à la mini série de la télévision brésilienne de 1986 « Os Anos Dourados », écrite par Gilberto Braga et réalisée par Roberto Talma, Consuelo Cunha Campos lit une période historique - les années 50 - y mettant en valeur un personnage, le président Juscelino Kubitscheck. Olívia Barradas, réfléchit sur le processus de transposition des œuvres littéraires au cinéma, prenant pour support les films Vidas Secas et Tenda dos Milagres de Nélson Pereira dos Santos, réalisés à partir des romans éponymes de Graciliano Ramos et Jorge Amado. Dalma Nascimento brosse le profil littéraire de Nélida Pinõn à partir d’un survol de son œuvre, soulignant, pour deux de ses livres, la place qu’ils accordent à la mémoire ou, à l’inverse, au travail d’invention.

 

Antonio Cândido l’avait déjà énoncé, des moyens nouveaux provoquent forcément des œuvres nouvelles. C’est ce que nous démontre Vera Bungartem dans son article sur l’impact des nouvelles technologies digitales sur la production cinématografique, brésilienne, notamment.

 

À partir de l’œuvre de Webern, Alvaro Nader expose les différences entre la sintaxe musicale tonale et a-tonale (musique concrète/serielle), la seconde échappant  à la toute puissance de la tonalité et provocant une écoute plus attentive de la matérialité des sons.

 

Dans le domaine philosophique, Paulo Henrique Silveira, tout en parcourant l’oeuvre de Jacques Derrida, met face à face la logique du marché, avec ses notions de dette et de réciprocité, et la démesure de l’amour, qu’il approche en tant que don de ce que l’on n’a pas.

 

Les quatre articles suivants portent sur des problèmes brésiliens.

 

Ancien Ministre de l’Economie du Brésil, Luis Carlos Bresser-Pereira, nous offre une analyse de la nouvelle stratégie de développement, orientée vers les exportations, et le rejet du protectionnisme ainsi que celle de la croissance par les capitaux étrangers et l’ouverture de comptes. Ses objectifs sont la création d’un marché et d’un Etat forts ainsi que soutien d’une discipline fiscale visant les ressources publiques non-déficitaires et l’administration des taux de change. Les problèmes concernant la génération, la distribution et la consommation de l’énergie et de l’eau, sont au centre de l’article d’Henrique Rattner, pour qui l’État brésilien devrait traiter ces questions comme des priorités, en dehors de calculs de marché. 

 

Deux articles concernent l’état brésilien de la Paraíba. Emília de Rodat F. Moreira et Ivan Targino y étudient les changements de l’espace agraire provoqués, à partir des années 60, par le programme Proalcool, et mettent en exergue la conséquente détérioration de l’environement et des conditions de vie des travailleurs ruraux. À l’opposé, Bartolomeu Israel Souza et Dirce M. A. Suertegaray y ont étudié  la situation des petits propriétaires qui, à Cabeceiras, région semi aride, réussissent  à combattre la pauvreté et à amplifier leur capacité productive en investissant dans l’irrigation de petite portée et en complémentant les revenus des activités d’élèvage par l’artisanat et la production laitière.

 

L’avant dernier article, de José G. Vargas-Hernández, expose les relations de conflit et de coopération entre une compagnie minière, le gouvernement, les communautés locales et des mouvement sociaux autour des questions environnementales provoquées par l’ouverture d’une mine d’or et d’argent dans la localité de Cerro de San Pedro, au Méxique.

 

Finalement, Kamyla Borges da Cunha, Fernando Rei et Arnaldo César Walter s’intéressent au changement du climat, phénomène planétaire qui exige de nouvelles relations entre États et remet en question des concepts tels que la souveraineté  nationale.

 

Ce numéro est dédié aux mémoires de José Arthur Bogéa et Henrique Rattner, qui nous ont honnoré de leur présence parmi nous.

 

José Arthur Bogéa (1941-2007), écrivain et professeur à l’Universidade Federal do Pará puis à l’Universidade Federal do Espírito Santo, a été spécialiste de la littérature et de la culture amazoniennes, qu’il a célèbrées et divulguées par l’intermédiaire d’une oeuvre riche et diversifiée.

 

Henrique Rattner (1923-2011), professeur à la Faculdade de Economia e Administração da Universidade de São Paulo et à la Fundação Getúlio Vargas, fondateur de l’Associação Brasileira para o Desenvolvimento de Lideranças (ABDL), penseur du dévéloppement durable au Brésil et dans le monde, a généreusement soutenu la construction de Passages de Paris, en faisant partie de son Comité Scientifique. 

 

 

 

Eliana Bueno-Ribeiro