Passages de Paris

  Revue Scientifique de l'Association des Chercheurs et Etudiants Brésiliens en France

Numéro 2—2005
ISSN 1773-0341


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Paris reçut depuis toujours, entre autres brillants scientifiques, des icares brésiliens, épris d’ascension, littérale ou métaphorique. Beaucoup s’y brûlèrent les ailes, d’autres réussirent, avec plus ou moins de succès, leurs projets ou leurs rêves. Paris se fit aussi terre d’accueil, pour des cerveaux fuyant certains régimes inhospitaliers à l’exercice de la recherche scientifique en liberté. Le Brésil attira à son tour nombre de chercheurs français en quête de domaines inexplorés ou de réponses nouvelles, le regard ouvert à l’altérité ou lesté de préjugés.

Passages de Paris poursuit son travail, consistant à tisser des passerelles entres ces deux mondes. Le dossier de notre deuxième numéro a pour thème la science, hier, aujourd’hui et demain.

Notre interviewé est le Professeur Roberto Aureliano Salmeron, l'éminent chercheur en rayons cosmiques, au courageux parcours personnel, intimement lié à l’histoire récente du Brésil - Premier directeur des instituts de Physique et de Sciences à l’Université de Brasilia, Salmeron, avec d’autres professeurs, fit le choix éthique de renoncer à son poste par solidarité à des collègues expulsés par le régime militaire. Ayant perdu les conditions de base pour poursuivre ses recherches au Brésil, il dut s’exiler en Suisse et ensuite en France, mais garda des liens très proches avec son pays.

Notre dossier s’ouvre avec le discours du Professeur Salmeron, prononcé le 19 octobre 2005, jour où l’Université de Brasilia lui accorda le titre de Doctor Honoris Causa, précisément quarante ans, jour pour jour, après la date de sa démission.

Un autre anniversaire. L’année 2006 célèbre le centenaire du premier vol homologué de l’histoire de l’aviation, celui du “14bis” de Santos Dumont. L’article de Henrique Lins de Barros nous présente les données biographiques de ce génie brésilien et des créations qui lui assurèrent une rénommée mondiale. L’article nous aide à comprendre la polémique autour de la paternité de cette invention qui changea définitivement l’histoire de l’humanité.

L’histoire de la conquête de l’air était déjà emplie de personnages brésiliens. L’article de Luis Carlos Bassalo Crispino raconte le périple de Julio Cezar Ribeiro de Souza, qui développa une théorie sur la navigation aérienne basée sur les vols planés des oiseaux en 1881. Après un premier essai réussi avec son ballon à tests Victoria au Brésil, puis en France, l’expérience avec un grand aérostat échoua, en tout premier par manque de moyens financiers. Ce qui empêcha l’inventeur paraense d’être considéré comme le premier à réaliser un parcours fermé à bord d’un ballon, titre obtenu le mois suivant par les capitaines français Renard et Krebs, avec un ballon présentant la structure fusiforme dissymétrique originalement proposée par Ribeiro de Souza. Encore une polémique à découvrir dans ce numéro, en plus de la redécouverte de cet inventeur qui consacra sa vie à la passion scientifique.

Vient ensuite l’article de Rosa Helena de Santana Girão de Morais, à nouveau dans le domaine de l’histoire de la science, qui nous parle de l’expédition de médecins français au Brésil, au XIXème siècle, en quête de traitements efficaces pour les maladies tropicales - en particulier la fièvre jaune, qui ravageait les colonies françaises. L’auteur montre combien leur point de vue était teinté d’un lamarckisme social en accord avec l’entreprise coloniale européenne.

De nos jours, un domaine où les chercheurs brésiliens obtinrent des résultats remarquables demeure celui de l’énergie nucléaire. Le Brésil fait partie aujourd’hui d’un groupe très restreint de pays qui détiennent la technologie pour enrichir l’uranium. Les centrifugeuses développées au Brésil sont aujourd'hui les plus performantes au monde, grâce au travail de plusieurs chercheurs. L’article d’E. Migliavacca et D. A. Andrade vient apporter sa contribution dans ce domaine.

Dans le domaine de l’ingénierie encore, le travail de Silvio de Barros porte sur une technique d’assemblage très ancienne, de plus en plus utilisée dans l’industrie. Dans cet article, le collage est étudié sous son aspect mécanique. Un modèle numérique pour le projet de structures collées y est proposé.

Deux articles d’odontologie font aussi partie de ce dossier. Le premier présente une étude réalisée par Sally Lacerda Pinheiro, Dominique Septier, Michel Goldberg et Hélène Chardin, sur des molécules responsables du recrutement et de la différentiation cellulaire impliqués dans le développement dentaire. Dans le deuxième article, Roberto Pinheiro Jr. propose une technique alternative concernant le moment critique du traitement de la malocclusion, à travers deux études de cas.

Dans le champ de la médecine, Tânia Maria Sih nous présente une mise à jour du savoir médical sur l’otite externe et les possibilités de prévention de cette maladie, d’une érudition et d’une clarté remarquables.

L’article de Jayme Murahovschi et Valdemir Tofolo concerne un diagnostic rarement évoqué dans la pratique et la littérature médicales – en particulier, en Amérique Latine: le Syndrome de Munchausen par procuration, qui consiste en une fraude généralement perpétrée par une mère psychiquement troublée. L’attribution précise de ce diagnostic est fondamentale pour éviter des abus sur des enfants, pouvant aboutir à leur mort. Cependant, il faut être vigilant pour ne pas tomber dans l’extrême opposé : la négligence de vraies maladies, en raison de possibles préjugés des médecins envers la parole des mères.

Un autre article de Henrique Rattner conclut ce dossier par une analyse sur l’impact des progrès techniques sur le développement de la société. Prenant les progrès de la nanotechnologie comme point de départ, l’auteur ouvre une large discussion à propos des politiques de science et technologie.

La rubrique Varia débute par un texte de José Mauricio Saldanha Alvarez, qui analyse l’oeuvre du peintre Antonio Diogo da Silva Parreiras (1861-1937), à partir de son récit autobiographique: la construction de sa propre image de peintre, en tant que travailleur libre dans une société esclavagiste, où le travail manuel est considéré comme un déshonneur.

Sandra Reimão nous propose une étude sur le profil des préférences des lecteurs brésiliens concernant les livres de fiction dans les années 90, avec un regard particulier sur les rapports entre littérature et télévision. Adail Sobral, inspiré de la théorie dialogique de Bakhtin, nous livre ses réflexions sur la diversité linguistique, sans oublier le contexte social et historique.

La lecture de l’article de Jean-Michel Robert, en plus d’être stimulante, pourra nous épargner beaucoup de malentendus et situations gênantes: l’auteur nous parle des problèmes d’incompréhension entre Brésiliens et Français, dus à l’implicite dans la communication, qui diffère dans les deux cultures. L’étude de Francisca das Chagas Caetano-Rousselot porte aussi sur des questions linguistiques, mais du côté de l’apprentissage du portugais, langue étrangère; l’auteur met en évidence des points en commun entre les théories vygotskiennes et l’approche communicative et montre que le travail en binôme augmente le potentiel communicatif des apprenants en langue étrangère.

Lilian de Lacerda écrit sur des récits autobiographiques de femmes du XIXème et du XXème siècles, au Brésil, riche univers de la mémoire collective, menacé de disparition par l’oubli ou par d’autres supports et langages considérés comme plus rentables de nos jours. Maria Alice Aguiar analyse un autre univers, celui évoqué par le grand poète João Cabral de Melo Neto, autour des marges du fleuve Capibaribe, avec ses marais, ses “favelas” et les drames des migrants qui essayent de fuir la misère et la sécheresse. Angélica Soares met en rapport poésie et écologie, dans un exercice critique écoféministe sur la mise sous silence des femmes, à partir des oeuvres des Brésiliennes Helena Parente Cunha, Adélia Prado, Marly de Oliveira et Myriam Fraga.

Quant à L’Autre, dans l’article d’Alamir Aquino Corrêa, c’est l’étranger, l’immigrant, que la culture urbaine absorba de façon anthropophagique, à l’image du concept Moderniste. Dans cette perspective, sont étudiés deux auteurs de contes brésiliens (Ricardo Ramos, du Nord-Est du Brésil et Samuel Rawet, d’origine judéo-polonaise) qui construisent des personnages d’immigrants perdus dans la machine urbaine, rêvant de leurs origines, tout en essayant d’acquérir une nouvelle identité.

Regina Helena M. A. Corrêa examine la traduction en anglais, en français et en espagnol de certaines expressions dans l’oeuvre de Jorge Amado, dans la perspective de la théorie de Venutti, pour qui la traduction est une manière d’éviter que des cultures centrales effacent des cultures périphériques et par conséquence l’altérité.

Enfin, Manuel Antonio de Castro nous livre une analyse en profondeur du conte “Rien et notre condition”, de Guimarães Rosa, où il est question de littérature, d’ontologie et de “sonorité du silence”.

Il faut rappeler encore que la rubrique Autres Regards a été enrichie de plusieurs références en matière de sites internet et autres revues électroniques.

Nous vous souhaitons une bonne lecture et attendons vos opinions et suggestions.

Sílvio de Barros, Eva Landa et Rodolpho Bastos